Une
des choses que je cherche à faire sur ce site est de séparer
les
éléments importants, c'est-à-dire pouvant réellement influencer le
résultat de l'élection, de ceux plus
triviaux qui font parler quelques jours et ne servent qu'à nourrir la
blogosphère professionnelle, même s'ils peuvent avoir un intérêt pour
ce qu'ils montrent, parce qu'ils sont amusants, etc. Je vais
aujourd'hui prendre un exemple de chaque cas.
Côté important, l'enregistrement de nouveaux électeurs. On
sait que les démocrates ont des meilleurs résultats dans plusieurs catégories : les jeunes,
les noirs, les latinos essentiellement.
Une manière de gagner, qu'avait réalisée George W. Bush à la perfection
en 2004, c'est d'identifier, dans les états clés, les électeurs
non-inscrits, les inscrire sur les listes électorales, et les motiver à
aller réellement voter. Cette même année, même si c'était passé
inaperçu dans la défaite, Kerry avait pu considérablement augmenter la
participation des moins de 30 ans, preuve que les efforts ne sont pas
perdus.
Pour
les démocrates 2008, il est facile de trouver des zones où habitent
beaucoup de jeunes (les villes autour des campus universitaires, et de
préférence les campus eux-mêmes), de latinos ou de noirs
(essentiellement les banlieues). Les volontaires y font le
porte à
porte, prennent les noms, demandent les intentions de vote, les
adresses, les numéros de téléphone, inscrivent les gens sur les listes,
etc. Les deux mois qui arrivent, les électeurs indécis recevront une ou
plusieurs visites de jeunes du quartier leur présentant les positions
d'Obama sur les problèmes les intéressant le plus (fiscalité,
avortement, guerre en Irak, ...), du courrier personnalisé et plusieurs
coups de téléphone, jusqu'à ce que la personne se dise convaincue. Le
jour du vote, de nombreux volontaires font le tour des quartiers
composés des populations les plus favorables, et aident les électeurs à
aller voter. Nate avait calculé qu'en augmentant la
participation dans ces catégories, Obama pouvait s'assurer la
victoire et, dans le meilleur des cas, redessiner
complètement la carte à son avantage.
Les
Républicains font évidemment la même chose, mais jusqu'à maintenant, on
considère qu'Obama a un avantage considérable sur tous les paramètres
de cette équation : l'argent disponible, le nombre
de volontaires, l'organisation. Le choix de Palin a
pu changer la donne, en remotivant à la fois républicains et démocrates
(même si j'ai des doutes sur les chiffres donnés, j'y reviendrai
peut-être un autre jour), on verra ça quand on aura plus d'informations.
Donc sur le sujet
des inscriptions, des nouvelles sur le font de la Virginie, un des
quelques états qui pourraient vraiment faire basculer l'élection (avec
le Colorado, l'Ohio et la Floride). Sur une population d'environ 5,5
millions d'adultes en âge de voter, et avec une abstention de 40 % environ en 2004,
Bush avait reçu 1,716,959 voix contre 1,454,742 pour Kerry,
soit un avantage d'environ 260,000
voix. L'équipe Obama avait un objectif : 150,000 nouveaux inscrits en
Virginie, en plus des 142,000 déjà inscrits lors des primaires. Sur le
seul mois d'août, ils en ont enregistré 49,000, arrivant à
110,500 (28,000 en juin, 36,500 en juillet). Les inscriptions
seront terminées début octobre.
Si
l'on imagine 50,000 nouvelles inscriptions en
septembre, on
obtient 160,000 nouveaux électeurs, donc environ 300,000 depuis le
début de l'année. L'équipe Obama estime, dans cette
population, 75
% de participation au vote, et une répartition 80% Obama - 20% McCain.
Si ces chiffres sont corrects, on obtient 135,000 voix supplémentaires pour
Obama,
soit plus de la moitié du retard de Kerry. Ce n'est pas encore
suffisant, mais dans un contexte actuel beaucoup plus propice aux
démocrates, avec un tel effort répété dans tous les états clés, avec
des résultats qui ne sont peut-être pas pris en compte correctement par
les instituts de sondage, imagine mal Obama faire moins bien que
Kerry... et très facilement faire beaucoup mieux. Sur l'ensemble des
états qui inscrivent les électeurs par parti, depuis 2004, les démocrates sont 2,000,000 de plus, les
républicains 300,000 de moins.
Passons
maintenant au superflu du jour : le fond vert derrière John McCain lors
de son discours. La première partie de l'histoire remonte à début juin,
John McCain avait fait un discours tristement célèbre sur un fond vert
que tout le monde avait trouvé immonde.
Le fond vert avait donc été laissé au placard... jusqu'à son
discours d'investiture, et à la surprise générale.
Mais
on s'est ensuite rendu compte que si on ne voyait que le fond vert à la
télévision, il faisait en fait partie d'une image plus grande,
représentant un bâtiment :
Il
s'est ensuite avéré que ce bâtiment est la Walter Reed
Middle School, à North Hollywood, ce qui a amené beaucoup à
penser
qu'il y avait eu confusion
avec le Walter Reed Army Medical Center, à Washington, qui traite les
blessés de guerre, ce qui aurait été une image appropriée à son passé
de prisonnier de guerre et son image de soutien d'anciens
militaires.
Les responsables ont évidemment nié toute
erreur technique, affirmant que cette école publique faisait partie du
décor américain derrière le candidat. Pour en rajouter une couche dans
la bizarrerie, certains se sont rendu compte que cette même école avait
servi de fond au discours où le
candidat Matt Santos
avait annoncé son intention de se présenter à la présidence
américaine... dans la série The West Wing (A la Maison Blanche) ! Quand
on sait que Santos, démocrate latino, a été partiellement inspiré par
Obama, on se dit que le monde est petit...
Toutes les pièces de la
campagne sont maintenant en place, et le prochain événement est le
premier débat dans 20 jours. Ca laisse un peu de temps aux deux
campagnes pour s'adapter à l'arrivée de Palin dans la course, qui
oblige à reformuler un peu les messages.
Les
démocrates vont-ils l'ignorer, l'attaquer, laisser faire
la presse ? Peuvent-ils attaquer son inexpérience ? Vont-ils la
critiquer sur ses positions très conservatrices, ses rapports à la
religion ? Vu la stratégie d'Obama sur le rapprochement avec certains
mouvements religieux, c'est délicat. Il est fort probable qu'un message
cohérent et constant ne pourra être dessiné que lorsqu'ils auront bien
compris en quoi elle influence les électeurs. L'équipe d'Obama, Plouffe
en tête, va lire les détails des sondages, faire des analyses croisées
pendant quelques jours et quelques nuits, puis David Axelrod, le
responsable de la campagne, pourra adapter le message habituel au
mieux, afin de prendre en compte la nouvelle situation.
Les Républicains vont-ils pouvoir sérieusement continuer à
parler d'Obama comme un homme inexpérimenté, une célébrité
n'offrant aucune substance, aucun contenu, et en même temps vanter les
discours de Palin sans se rendre compte qu'elle est l'incarnation de
cette caricature ? Un petit exemple du ridicule qui pourrait les
attendre, via Jon Stewart :