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Dimanche 15 Février : Clap de fin, cap sur 2010 et 2012

Avec le passage au Congrès du projet de loi débloquant 790 milliards de dollars pour assurer la relance économique américaine, quelques jours après la présentation de TARP II, non pas un nouveau missile sol-sol mais la deuxième partie du plan Paulson pour les banques de 700 milliards, l'élection 2008 est effectivement finie.

La crise économique, enjeu majeur de la campagne, n'est bien évidemment pas terminée, et les mauvaises nouvelles continuent à tomber, comme elles le feront encore un moment. Aujourd'hui, c'est GM qui demande plus d'argent fédéral ou fera faillite. De même, le poste de sénateur du Minnesota n'est toujours pas attribué ; mais après les derniers développements judiciaires, la prise de fonction du démocrate Al Franken paraît inévitable, et n'est plus qu'une question de temps. Enfin, le cabinet d'Obama n'est pas encore complet et de très nombreux postes (des centaines) d'adjoints et assistants sont encore à pourvoir, mais c'est parfaitement normal, et Obama est plutôt en avance sur les temps des présidents précédents.

Ce que je veux dire, c'est surtout que la période d'application plus ou moins directe et immédiate des promesses de campagne et des obligations immédiates est terminée. Maintenant commence la période de mise en place d'un agenda politique cohérent (réforme de la sécurité sociale avant la fin de l'année ?) et surtout la réaction aux événements qui ne manqueront pas d'arriver. 

2012

Maintenant commence donc la route vers 2012, et avant ça vers 2010. Le mandat d'Obama est de 4 ans, mais à mi-mandat (on en rêve en France), le congrès sera renouvelé : la chambre des Représentants entièrement (mandat de deux ans seulement) et le Sénat au tiers (mandat de 6 ans, élection d'un tiers des sénateurs tous les deux ans). Le contexte est déjà dans toutes les têtes, et n'est pas étranger à ce qui se passe en ce moment à Washington.

Comprenez bien la dynamique politique américaine, c'est très complexe : chacun pour sa gueule. En particulier, tous les élus pensent à leur réelection, pas forcément au bien de leur pays ou de leur propre parti. Ca peut paraître complètement horrible de le voir aussi cyniquement, mais ça a un avantage, ça oblige en théorie les politiciens à être proches des envies de leurs constituants, afin de pouvoir être réélus : ça fait marcher la démocratie. Le contexte, donc, est le suivant : 

Obama est extrêmement populaire, les autres Démocrates moins, les Républicains, et surtout Bush, pas du tout.

La crise économique est grave, et son évolution définira en grande partie les résultats de 2012. Si elle est finie, Obama gagne ; si elle persiste, il perd. Dans tous les cas d'entre-deux plus probables où la situation sera devenue un peu meilleure après être passée par le pire, il pourra y avoir une élection compétitive. Compte tenu de ça, l'hypothèse de travail d'à peu près tout Washington est qu'Obama sera réélu.

Un candidat, avant l'élection où il affronte un membre de l'autre parti, peut avoir à affronter lors d'une primaire des candidats de son propre parti.

Ceci étant dit, la tactique pour les Démocrates est assez simple : il faut que l'économie reparte. Pour Obama, il faut que tout roule en 2012. Pour les élus repartant au combat en 2010, ce sera plus dur, mais ils espèrent pouvoir compter sur une popularité toujours existante d'Obama et sur le fait que la crise pourra être mise en grande partie sur le dos des Républicains. Mais pour les Représentants en particulier, ce sera très difficile. Les Démocrates comptent dans chacune des chambres 59% des sièges : 59/100 au Sénat en comptant les deux indépendants et Al Franken, 257/435 à la Chambre. Cela représente 24 Représentants Démocrates de plus qu'en 2006 et 55 qu'en 2004. Bush n'est plus là, et les démocrates sont maintenant en charge des affaires ; les problèmes sont maintenant leurs responsabilités. Il est donc très probable que les Démocrates perdent des sièges à la Chambre des Représentants. En 2012, ils pourront espérer surfer sur la popularité d'Obama pour les porter, dans l'hypothèse où l'économie n'est pas effroyable. 

House SealSenate Seal

Au Sénat par contre, la situation est différente. On ne renouvelle qu'un tiers des sièges, ceux élus en 2004, l'année où Bush a gagné Kerry assez nettement. Cela s'était traduit par 19 sièges pour les Républicains contre 15 aux Démocrates. Pour plusieurs Républicains élus cette année-là, leur état d'origine a changé, et est devenu plus démocrate. D'ailleurs, pas moins de 5 sortants Républicains ont annoncé leur décision de ne pas se représenter, la plupart dans des swing states devenus plus démocrates (Ohio, Floride, New Hampshire, Missouri). Pour ces différentes raisons, les perspectives des Démocrates au Sénat sont bien meilleures au Sénat qu'à la Chambre, du moins en 2010. En 2012, on remet en jeu les élus de 2012, qui sont 24 Démocrates et 9 Républicains. On peut donc s'attendre pour les Démocrates, dans un paradoxe simplement en apparence, à voir plus de Sénateurs et moins de Représentants en 2010, et un président Obama gagnant des Réprésentants mais perdant des Sénateurs en 2012.

Tout ça s'annonce plutôt mal pour les Républicains, pour qui le calcul est évidemment opposé à celui des Démocrates (pas vraiment, en fait : un scénario où tous les élus sont réélus irait à beaucoup de gens). Comment peuvent-ils s'y prendre pour conserver leur siège, et si possible en gagner, reprendre le Congrès, la présidence, etc. ? Les événements de ces dernières semaines donnent un élément de réponse. Sur le plan de relance d'Obama, sur 219 membres Républicains du Congrès, un grand total de 3 ont voté pour : 0 Représentants et 3 Sénateurs, Susan Collins et Olympia Snowe du Maine (où Obama a fait17% de plus que McCain) et Arlen Specter (de Pennsylvanie, Obama +10% "). Pour ces trois-là, l'idée paraît à la fois de ne pas trop s'opposer à Obama, pour ne pas fâcher ses électeurs, et d'essayer d'utiliser leur position pour faire modifier les textes à leur sauce, ce qui a marché en partie dans le cas du texte de loi de stimulus économique.

Snowe & Collins  Specter

Pour les autres élus Républicains, la tactique est opposée : tous contre Obama, pas de quartier, guerre ouverte, pas de prisonnier et pas de survivant. Il s'agit dans ce cas de s'opposer à tout, et de prier pour que le programme d'Obama ne marche pas, quitte peut-être à aider à ce que ça plante. Plusieurs raisons à ça. La première est que dans les zones très conservatrices du pays, où Obama n'est pas populaire, les Républicains ont plus de risque de perdre contre un autre Républicain lors d'une primaire que contre un Démocrate. Ils n'ont donc aucun intérêt à s'opposer. Dans les endroits plus démocrates, le calcul est moins évident à décrypter. Ils estiment  probablement que s'ils soutiennent Obama, ils ouvrent une brèche sur leur droite sans que ça ne leur garantisse une victoire contre la gauche. Les risques seraient plus grands que les gains possibles. Une autre possibilité est qu'ils sont persuadés que les américains ont été bernés par Obama après avoir été déçus par Bush, et qu'avec un peu de temps, ils reverront la lumière et se rappelleront les paroles du prophète St Ronald Reagan. Compte tenu de l'évolution démographique américaine, ce serait une belle boulette, mais un élément peut faire penser que c'est en partie vrai.

Sur l'évolution des USA et du GOP, un mot : l'Amérique est de moins en moins blanche, et les populations en croissance (latinos, jeunes), sont beaucoup plus démocrates que celles qui décroissent (blancs,  vieux). Dans ce cadre, le Parti Républicain est appelé à terme à se modérer, à devenir plus centriste. Or, un parti est composé par ses membres qui gagnent des élections, pas par des perdants. Pourtant, le parti se recentre autour du Sud-Est, très conservateur. Il a déjà presque abandonné la Nouvelle-Angleterre, voire tout le Nord-Est, et la Côte Ouest. Plus il se "sudise", plus le parti républicain se renforce dans le seul sud (et l'Utah, le Wyoming et quelques rares états des grandes plaines) et plus il est battu ailleurs, et plus il se compose, à l'échelon national, des seuls sudistes, renforçant son conservatisme déjà marqué. Donc plus le GOP a besoin de se modérer, et plus effectivement il se radicalise. Ce cercle vicieux pourrait le perdre pour toute une génération, le laissant à espérer des erreurs des démocrates.

Steele

On pourra me répondre "Les Républicains ne viennent-ils pas d'élire un noir à la tête de leur parti ? N'est-ce pas un signe d'une modération ? Ou bien n'était-ce qu'une ruse grossière ?" En effet,Michael Steele, employé récemment par John McCain comme sosie d'Obama, a été élu à la tête du GOP, et ce n'est pas un coup de pub. Il a réellement gagné son élection, sur 6 tours de scrutin, comme un vrai politicien, en sachant s'allier avec les uns, faire front contre les autres, en jouant sur ses qualités principales. Or, être noir n'en est pas spécialement une. Cela l'a surtout aidé au dernier tour de scrutin, lorsque son dernier adversaire était Katon Dawson, un homme qui, jusqu'à il y a peu de temps, faisait partie d'un club privé interdit aux noirs. Son élection aurait fait mauvais genre pour un parti qui essaye de refaire son image. La grande qualité que les Républicains ont vu en lui, c'est en fait son talent de communiquant. Fréquent invité sur Fox News, créateur du slogan (génial pour les uns, idiot pour les autres) "Drill, Baby, Drill" pendant la campagne ("Creuse, Baby, Creuse", pour dire qu'il fallait chercher du pétrole sur les côtes américaines pour lutter contre la hausse du prix de l'essence), Steele avait une tête d'avance sur tous ses concurrents dans la course. C'était à la fois le candidat le plus connu, le plus consensuel malgré sa couleur, celui qui passe le mieux à la télé, celui qui a su le mieux jouer le coup.

L'élection de Steele, c'est donc surtout l'indication que de très nombreux Républicains pensent que leur positionnement est bon, que leurs idées sont bonnes et représentent réellement l'Amérique, mais que leur communication laisse à désirer : le fond est OK, pas la forme. C'est peu dire que certains vont au devant de grosses déconvenues... En fait, un meilleur signe qu'un renouveau du GOP est peut-être en train d'arriver vient, de manière très surprenante, de l'Utah : le très populaire gouverneur Jon Huntsman s'est déclaré favorable aux unions civiles pour les homosexuels. Ce n'est pas encore le mariage, mais c'est loin de l'orthodoxie quasi-homophobe républicaine, et en Utah, état américain le plus conservateur où 70% des gens sont opposés à cette mesure. Pour certains, c'est une évidence : il quitte l'Utah pour chercher à s'installer à un échelon national, et pense peut-être déjà à la présidentielle de 2012 ; une direction politique opposée à celle que suivent beaucoup de républicains, derrière Sarah Palin et Rush Limbaugh.

Huntsman

Pour résumer et conclure, les Républicains semblent avoir peu d'autre choix que d'attendre et espérer qu'Obama se plante, choix qu'ils ont fait sans une seconde d'hésitation. L'économie étant normalement vouée à se rétablir en quelques années, c'est prendre un risque, qu'ils empirent en refusant de se modérer et se recentrer. La crise actuelle est souvent comparée à celle de 1929. Celle-ci avait amenée 5 mandats consécutifs de présidents démocrates, dont 4 de Roosevelt, et 60 ans de domination très marquée au Congrès. Ce sont réellement les conflits raciaux et sociaux des années 60, qui ont fait exploser le parti démocrate, qui ont amené à la fin de ces années et le "Backlash", le contrecoup, des années Reagan. Si les Républicains n'arrivent pas à se redéfinir de manière plus moderne, ils risquent de connaître une autre telle éclipse. C'est l'enjeu politique essentiel de ces prochaines années pour Obama : faire ce que Clinton n'a pas pu, ce dont Bush et Karl Rove rêvaient, créer une majorité durable pour son parti.

C'est sur ces quelques mots que je termine à la fois l'article de ce jour et le site dans son ensemble. J'espère avoir pu vous intéresser. C'était en tout cas pour moi une expérience très enrichissante (au sens figuré seulement), à laquelle je ne sais pas si et comment je donnerai une suite. L'avenir nous le dira. En attendant, je reste joignable par mail ("Contact", en haut de la page) au cas où... Bon vent à tous !

G

Dimanche 18 Janvier : Duos et duels

Avant de rentrer dans le vif, résumons les événements de ces derniers jours, où les politiciens vont par 2. On va évoquer évidemment Blagojevich & Burris, Franken & Coleman, Obama & McCain (vous vous souvenez de lui ?), avant de parler du sujet du jour : Waxman & Dingell.

• Dans l'Illinois (voir post du 4 janvier), le gouverneur Blagojevich, accusé d'avoir essayé de vendre le siège au sénat US d'Obama, a essayé de se sortir de ses tracas en se rendant auprès des minorités en nommant Roland Burris, noir relativement vieux, en fin de carrière. Blagojevich a gagné une bataille, mais a probablement perdu la guerre. Malgré l'opposition des démocrates du Sénat et en particulier de leur chef, Harry Reid (sénateur du Nevada), l'évidence s'est progressivement imposée de la légalité de cette nomination. Roland Burris est donc le nouveau sénateur "junior" de l'Illinois (le plus récemment élu des deux sénateurs de chaque état). Par contre, ça n'a pas l'air d'aider Blago : le Sénat de l'Illinois a lancé une procédure d'"Impeachement" contre lui par 114 voix contre 1 (un second vote a confirmé ça). La suite ne s'annonce pas belle pour lui. Par contre, à New York, pas de nouvelle du remplaçant de Clinton.

• Dans le Minnesota, le démocrate et ancien comique et comédien du Saturday Night Live Al Franken a été désigné vainqueur par le bureau des élections par 225 voix d'avance sur Norm Coleman, mais celui-ci a immédiatement amené l'affaire devant les tribunaux. Si officiellement il veut que le processus démocratique soit intégralement respecté, Nate pense qu'il cherche à causer assez de confusion pour que la cour ordonne une nouvelle élection, ce qui ne serait pas une première. En attendant, un siège de sénateur du Minnesota reste vide. Si Coleman perd, Nate pense que sa carrière nationale est terminée : après avoir perdu le poste de gouverneur contre un ancien catcheur (Jesse "the Body" Ventura, pour les fans) et gagné son poste de sénateur contre un mort, s'il perd maintenant contre un comique, il sera dur de paraître sérieux après ça.

Jesse Ventura

• A propos de Nate Silver, son site Fivethirtyeight.com (538.com) a gagné (très largement) le prix du meilleur blog politique de 2008. Le prix du meilleur blog (tout court) a été décerné à Andrew Sullivan de The Atlantic ; étaient également nommés le Huffington Post et le blog de Ben Smith sur le Politico. Ces sites sont dans mes liens, ils font partie de ceux que je lis et lie très régulièrement, avec electoral-vote, le blog d'Ambinder et celui d'Yglesias, je suis donc content que mes "sources" soient validées, en quelque sorte. Dans un autre registre, le prix du meilleur blog littéraire est pour Neil Gaiman, que je recommande aussi chaudement, ses BD, ses romans, etc. A ne pas louper bientôt, l'adaptation de "Coraline" par Henry Sellick, le réalisateur de "l'étrange Noël de M. Jack" (non, ce n'était pas Tim Burton).

Weblog awards

• A quelques jours de son investiture, Obama, qui dans les faits a presque déjà remplacé G.W. Bush, est en train de construire une présidence que certains ne voyaient pas arriver. A droite, du moins. Il tend la main aux républicains, aux journalistes conservateurs (et ultra-conservateurs tendance psychopathes), et également à son récent adversaire John McCain, dont certains pensent qu'il pourrait s'allier avec Obama pour réparer sa réputation endommagée par l'élection en reprenant des manières qui l'avaient rendu le plus populaire des républicains du Sénat, en particulier auprès des démocrates.

On voit là se dessiner ce qui sera, à mon humble avis, la politique globale d'Obama lors des huit (à mon avis) prochaines années. Obama devrait se positionner en centriste, mais en cherchant à redéfinir ce qu'est le centrisme par rapport aux habitudes depuis Reagan. Face à lui, pas les républicains, mais les démocrates : il serait la voix de la raison face à des libéraux poussant pour plus de réformes de gauche, empêchant les Républicains, qui devraient à avoir du mal à sortir de l'ère Reagan-Bush, de s'exprimer. Ainsi, il pourrait rester populaire dans le pays, les démocrates pourraient rester populaires dans les zones libérales où ils ont été élus, et ensemble ils pourraient faire passer la majorité de leurs projets. La condition : faire redémarrer l'économie rapidement.

Comment aider à faire passer plus facilement ces projets ? Obama a choisi de réorienter l'énorme organisation qui l'a aidée à se faire élire et de l'intégrer au Parti Démocrate, créant Organizing for America, qui servira à faire le lien entre le président et la population : mieux "vendre" les idées, faire remonter de nouvelles, etc., avant de redevenir la structure de la prochaine campagne à partir de courant 2010.

Pendant qu'on parle d'Obama, rapidement un mot pour parler des audiences de confirmation de son gouvernement qui ont lieu en ce moment. Tous les candidats ministres sont examinés de près par les comités du Sénat en charge des mêmes sujets, qui vote pour sa confirmation avant que le sénat au complet ne fasse la même chose. L'état d'avancement de chaque poste est résumé chez CQ Politics. C'est dans ce cadre qu'Hillary Clinton a présenté la prochaine politique étrangère des USA ou que des problèmes d'impôts sont apparus chez Tim Geithner, le probable prochain ministre du trésor.

• Pour revenir à l'opposition de gauche à Obama, reste une question : qui pourra, à gauche, être une opposition crédible et sérieuse à Obama ? Pour répondre, revenons quelques années en arrière. John Dingell était, à la Chambre des Représentants, le président du Comité sur l'Energie et le Commerce, qui a un très large champ d'applications, en particulier l'environnement, la pollution, la santé, etc.  Il est depuis 1955 élu du Michigan, état d'où viennent tous les voituriers américains, et sa politique énergétique et environnementale les a très couramment favorisés aux yeux de beaucoup. Un des énervés est Henry Waxman, deuxième en ancienneté de ce même comité et lui-même président du comité sur la surveillance du gouvernement. Il est élu depuis 1973 de la Californie, état très à gauche, et a l'environnement très à coeur. Waxman n'est pas un tendre. et il y a deux ans, Time l'appelait "l'homme le plus effrayant de Washington" pour son acharnement dans tout ce qu'il fait, mais aussi son efficacité. Il a été virulent dans son action contre les excès de l'administration Bush, comme auparavant il avait été implacable dans ses interrogatoires des patrons des compagnies du tabac (ou lors de son enquête récente sur le dopage dans le catch, pour rester sur la même thématique).

Dans les années 80, les oppositions entre Dingell et Waxman ont commencé. Apparemment, une trêve assez fragile a volé en éclats quand une loi de l'état de Californie, favorisée par Waxman, ayant pour but de réduire les consommations des voitures neuves a été bloquée par Dingell à l'échelon national. Du coup, Waxman a décidé de chercher à prendre la place de Dingell, en se présentant contre lui. Un gros inconvénient : c'est pratiquement impossible. Dans ce milieu, l'ancienneté est tout. L'élu le plus ancien choisit le poste qu'il veut, celui qui a le plus de pouvoir, les suivants choisissent après, etc., jusqu'aux bizuths, qui ont les miettes. Le gros avantage de Waxman, son atout dans la manche : il est proche de Nancy Pelosi, la très puissante "Speaker of The House", la chef de la majorité démocrate de la Chambre des Représentants et californienne également. Les photos : Pelosi entre Dingell à gauche et Waxman à droite.

Dingell    Pelosi    waxman

Soutenu par Pelosi, Waxman a réussi à gagner 137-122. Comprenez bien que cette victoire est presque aussi importante que celle d'Obama. Elle a prouvé que l'ancienneté n'est plus un absolu, que l'idéologie compte, que Nancy Pelosi a un poids extraordinaire, et qu'il vaut mieux ne pas l'irriter. Mais Dingell n'est pas non plus devenu soudainement un poids léger qu'on peut foutre dans un placard. Alors que faire ? Elégamment, Waxman a proposé à Dingell de devenir le leader de la réforme du système de santé à la Chambre, lui permettant de continuer l'oeuvre qu'avait entamée son père en 1943, lorsqu'il avait créé la première législation sur une assurance de santé. La prochaine réforme de l'assurance maladie est fondamentale et était un des enjeux les plus importants des primaires démocrates. Dingell travaillera avec Tom Dachle, ministre de la santé, le Dr Sanjay Gupta de CNN, le "Chirurgien Général" à la maison blanche et Ted Kennedy ou d'autres au Sénat. Car si Dingell était pro-voituriers, il a des idées très progressives et "acceptables" pour les autres démocrates dans d'autres domaines. Cette réorganisation paraît donc parfaite pour faire avancer les idées politiques de Pelosi et Waxman.

Les autres Représentants ont compris le message. Récemment, à un niveau en-dessous, deux Démocrates ont échangé leurs présidences de sous-comités. Ed Markey, du Massachussetts, lui aussi très pro-environnement, a repris le sous-comité de l'Environnement et de la Qualité de l'Air, en laissant à Rick Boucher la présidence du sous-comité sur les Télécommunications et Internet. Cet échange se lit comme la guerre Waxman - Dingell. Boucher est élu de la Virginie de l'Ouest, état où de nombreuses mines de charbon sont encore très importantes dans l'économie de cet état assez pauvre. Comme Dingell, les industries fortes de son état avaient donc un intérêt opposé à celui de la majorité des démocrates. On l'enlève ainsi de là où se présente un conflit d'intérêt, et on le met là où il est apparemment plutôt "solide", d'après Yglesias. Cet échange permet ainsi d'avancer les intérêts des démocrates sur tous les tableaux, ce qui permettra de réduire les difficultés pour écrire et négocier des lois et donc d'être plus efficaces, pour un prix à payer assez léger.

A la fois face et à côté de lui, Obama aura donc affaire, avec Pelosi et Waxman, à des gens compétents, puissants et efficaces. Dans leurs nombreux rapports, Obama pourra compter sur Philip Schiliro, qu'il a récemment nommé son "officier de liaison" avec le Congrès. Pour l'anecdote, Schiliro a longtemps été "chief of staff", secrétaire général, de Henry Waxman. Coïncidence, sûrement...

G

Dimanche 4 Janvier : 2008, on croyait que c'était fini...

Aux USA, on aime les élections. Et quand on aime, on ne compte pas. Les élections de novembre 2008 sont toujours en cours, et à dire vrai, elles ne sont pas près d'être terminées.  On ne parle pas ici de l'élection d'Obama qui ne sera officielle que 8 janvier, après décompte par le nouveau Congrès des voix des grands électeurs qui ont voté le 15 décembre 2008. En fait, le nouveau Congrès n'est pas encore complet, et ne le sera pas d'ici le 8 Janvier. Le problème n'est pas à la Chambre des Représentants, où il semblerait que tout soit réglé mais au Sénat, où, sur 100 sièges, 4 sont encore à pourvoir à l'heure actuelle.

3 de ces vacances sont dues à l'accès à des Sénateurs à des plus hautes fonctions :

• Ken Salazar du Colorado a été nommé au Secrétariat à l'Intérieur (rien à voir avec notre titre de ministre de l'Intérieur, plutôt chargé du territoire américain, des parcs nationaux, etc.). D'après plusieurs journaux, Salazar devrait être très prochainement (c'est fait) remplacé par Michael Bennet, actuellement directeur des écoles publiques de Denver, qui deviendrait ainsi le plus jeune membre du Sénat US. Ce choix semble être une vraie surprise.

Ken Salazar                                Michael Bennet

• Hillary Clinton (New York) a été nommée aux Affaires Etrangères. Le gouverneur, David Paterson (noir et aveugle), a le choix entre lui-même, fils d'un ancien sénateur de l'état de NY ; Andrew Cuomo, fils d'un ancien gouverneur de l'état et possible futur candidat gouverneur lui-même ; Caroline Kennedy, novice en politique mais fille de JFK (et cousine de Kerry Kennedy, ancienne femme d'Andrew Cuomo) ; et quelques autres candidats moins connus. Etrangement, on accuse les démocrates de faire de la démocratie dynastique.

Andrew Cuomo                   David Paterson              Caroline Kennedy

• Barack Obama (Illinois) a été élu Président des USA (si, si).

• A noter que l'élection de Joe Biden (Delaware) a également libéré un siège, mais qui a déjà été rempli lorsque le gouverneur Ruth Miner a choisi Ted Kaufman, grand ami de Biden, pour le remplacer. On suppose généralement qu'il garde ce poste au chaud en attendant 2010, où le fils de Joe Biden, Beau, pourrait se présenter à son retour d'Irak où il est actuellement posté.

Si le remplacement de Clinton fait surtout appel à la presse people, ce sont les spécialistes de droit constitutionnel qui sont appelés à la rescousse pour celui d'Obama, et ils ne sont pas tous d'accord. Comme je l'avais expliqué le mois dernier (article ci-dessous), le gouverneur démocrate, Rod Blagojevich, est accusé d'avoir cherché à vendre le siège d'Obama au Sénat. Le Sénat de l'état, contrôlé par les démocrates, aurait pu réagir en décidant de faire une élection spéciale, mais ils ont dû penser que l'accusation de corruption pouvait leur faire perdre ce siège. Ils ont donc choisi d'essayer de convaincre Blago de démissionner. Le choix du remplaçant d'Obama serait alors fait par celui de Blago, le gouverneur-en-second, Pat Quinn, démocrate également. Mais Blago, plus malin qu'intelligent, a, malgré toutes les oppositions, nommé Roland Burris, qui a accepté la nomination malgré ce qu'elle sous-entend de possible corruption. Les démocrates s'opposant à toute personne nommée par Blogo s'opposent donc à la nomination de Burris par principe. Enervés, ils ont donc décidé de virer Blago plutôt que d'attendre sa démission, qui de toute évidence n'est pas près d'arriver.

Roland Burris

C'est ici que les ennuis commencent réellement. D'une part, Burris est noir, ce qui permet à Blago sous-entendre que toute opposition à Burris est du racisme, et de chercher à rallier à lui les noirs et latinos des sénats de l'Illinois et des USA. L'argument est soutenu par des Bobby Rush, membre du Sénat de l'Illinois, ancien Black Panther et seule personne à avoir battu Obama dans une élection (primaire démocrate pour ce poste au Sénat de l'Illinois en 2000), qui a déjà crié au "lynchage". Burris lui-même, qui voit là la dernière chance d'obtenir un poste national dans une carrière politique jusqu'ici respectable mais plutôt banale, joue sur cette corde.

Ensuite, plus gênant, est de savoir ce que peuvent bien faire les démocrates pour empêcher Burris, qui a toutes les conditions constitutionnelles pour être sénateur, et qui a été choisi par le gouverneur en poste, d'être réellement sénateur. Dans les faits, les Démocrates peuvent argumenter qu'ils ont le droit d'empêcher Burris de prendre son siège (vote à la majorité) ; ils peuvent aussi le laisser venir et l'exclure (vote aux 2/3 nécessitant donc l'"aide" de Républicains) ; ils peuvent demander l'avis de la commission réglementaire du Sénat qui pourrait prendre 90 jours pour répondre, pendant lesquels il serait possible de remplacer Blagojevich par Quinn, qui pourrait nommer un second sénateur, qui serait alors accepté immédiatement, laissant Burris dans un purgatoire administratif.

On arrive sur un sujet épineux, celui de la séparation des pouvoirs. Dans la constitution US, le Sénat Américain (branche législative) est désigné seul juge de l'acceptation de ses propres membres. Or, la Cour Suprême Américaine (branche judiciaire) a déjà statué sur l'élection d'un sénateur (Powell vs. McCormack, 1969), se déclarant donc compétente sur le sujet d'une part, et niant d'autre part aux sénateurs une partie des droits qu'ils pensaient avoir. Se basant sur cette décision, unique dans l'histoire, certains avancent que le Sénat ne peut refuser Burris d'être Sénateur. D'autres estiment que ce cas ne s'applique pas, car le problème de Powell est celui de la validité d'un candidat, celui de Burris celui de la validité du processus qui l'a amené. Pour compliquer tout ça, le secrétaire de l'état de l'Illinois a affirmé qu'il ne signerait pas la décision de Blagojevich, et est évidemment critiqué par les avocats de Burris, qui disent qu'il n'en a pas le droit. Ceci rajoute des problèmes de répartition des pouvoirs entre état de l'Illinois et état fédéral. Donc dans cette histoire, on ne sait pas ce qui est légal ou pas, ni même qui est l'arbitre, ni qui décide de qui est l'arbitre. Et il est possible qu'elle se termine bien après la fin du mandat en jeu, dans 2 ans. Une solution est que les démocrates fassent tout un foin, puis laissent Burris être Sénateur un peu moins de deux ans, avant de le remplacer en 2010, lors d'une primaire.

Le dernier siège vacant est tout simplement dû au fait qu'on ne sait toujours pas qui, de l'ancien comique démocrate Al Franken et du sortant républicain Norm Coleman, a gagné l'élection dans le Minnesota. Après compte, recompte, décompte, Franken avait récupéré une avance de 49 voix, mais avec des centaines de bulletins non comptés sans vraie raison, comptés deux fois d'après un candidat, de bulletins perdus, etc. La Cour Suprême de l'Illinois est déjà intervenu, ce qui a plus servi à mettre le bazar qu'autre chose, et on attend très prochainement une autre décision, ainsi que la fin du recompte officiel. Une certitude absolue : dès le vainqueur annoncé par l'état du Minnesota, ce qui devrait arriver la semaine prochaine si j'ai bien compris, le perdant ira devant les tribunaux contester les résultats de l'élection. L'enjeu actuel est de laisser l'autre aller devant les tribunaux

Norm Coleman                               Al Franken

Avec tout ça, il manquera deux sénateurs démocrates au début de la prochaine session, ce qui peut compter alors qu'Obama cherchera à passer un grand nombre de lois, y compris son plan de stimulus économique, dès le mois de janvier...

C'est déjà trop tard pour aujourd'hui, mais j'ai depuis un mois l'envie de présenter un des inconnus les plus puissants d'Amérique. J'espère pouvoir faire ça rapidement...

G

Vendredi 12 Décembre : Un mois plus tard, quoi de neuf ?

Quand on écrit tous les jours, c'est dur de s'arrêter. Mais quand on réussit, ça devient très dur de s'arrêter de s'arrêter. D'où, un mois sans post, et évidemment ça ne veut pas dire qu'il n'y avait rien à dire.

Aussi incroyable que ça puisse paraître, les résultats de l'élection présidentielle ne sont toujours pas définitifs. On connaît les vainqueurs de chaque état, mais pas le nombre exact de bulletins donnés à un candidat ou à un autre, ni même en tout. La participation devrait arriver à un peu plus de 130 millions d'électeurs. Score final : 365 - 173, avec un inédit split du Nebraska.

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J'ai lu beaucoup d'analyses plus ou moins convaincantes sur ces élections, selon lesquelles les jeunes et les noirs ont donné la victoire à Obama, ou n'ont rien apporté ; selon lesquelles la participation était énorme ou décevante, ... Comme souvent, la vérité est un peu entre les deux. Obama a gagné assez largement, parce qu'il était mieux organisé, qu'il a mieux rassemblé son électorat, qu'il a mieux communique, que la crise économiqué l'a avantagé... Et vu d'un autre côté, si un candidat est du parti du président sortant extrêmement impopulaire et que le pays est en dépression, il n'a tout simplement aucune chance.

Cet élément est évidemment le plus important, et en partie la cause des précédents : les démocrates ont le vent dans les voiles, les républicains doivent prendre des risques, et ces risques finissent par les couler. McCain a d'abord tout misé sur l'Irak lors des primaires républicaines, ce qui lui a réussi. Il a ensuite misé toutes ses ressources sur les communications nationales, négligeant l'organisation, pour tenter de salir l'image d'Obama, au risque que la sienne souffre aussi. Ca a marché un temps, mais pas assez : il a décidé de choisir Sarah Palin, pour tenter de changer la donne, de remettre en marche les guerres culturelles des années 60... Là aussi, ça a semblé marcher un temps. La campagne a fait une pause le 11 septembre, John McCain était au mieux de sa forme. Mais comme dans une tragédie grecque, tout était déjà en place pour sa chute. Le choix de Palin, le refus de traiter les problèmes économiques des classes moyennes, les changements de communication, ont fini de le perdre.

Le plus gros problème des Républicains, maintenant, c'est d'envisager la suite. Une déroute à la présidentielle, et une seconde consécutive à la Chambre et aux Sénatoriales, ça laisse envisager un passage à vide et un retour dans quelques années. Mais cela a aussi entraîné un recentrage géographique autour du sud très conservateur, ce qui risque de déplacer encore plus le parti à droite. Même le grand ouest vacille : le Colorado, le Nevada et le Nouveau-Mexique sont tombés, le Montana a tremblé, le Nebraska est divisé, les Dakotas ne sont plus surs, l'Arizona n'a résisté que grâce au candidat local John McCain. Seuls restent fermement à droite l'Utah, l'Idaho et le Wyoming (dont le seul représentant est pourtant maintenant démocrate). Tous les états qu'a gagné McCain sont petits, à part le Texas, de toute évidence le rêve des démocrates : si la coalition portée par Obama (jeunesse, latinos, noirs, diplômés du supérieur) peut prendre la majorité en 2012, le parti Républicain en est pour de longues années sombres. Il est passé de 61 % pour Bush à 2004 à 55 % pour Kerry, il ne faudrait pas reperdre 6 % ces 4 prochaines années...

L'élection de 2012, pour les stratèges, a d'ailleurs déjà commencé. A moins qu'Obama ne fasse des erreurs vraiment exceptionnelles, il sera le candidat des démocrates. Et pour de nombreux républicains, on se place déjà ... pour 2016. Les calculs sont rapides : Obama est plus populaire que Clinton et Bush au même moment il y a 16 et 8 ans, et surtout la carte favorise largement les démocrates. Pour résumer, si en 2012 Obama ne gagne que les états où il a gagné cette année avec plus de 8 %, il gagnera quand même. Evidemment, ce n'était pas vrai des républicains en 2000 et 2004. Les candidats supposés les plus forts semblent donc vouloir attendre 8 ans pour attaquer. Le gros avantage d'Obama, c'est que s'il sort le pays de la crise, ce sera grâce à lui, mais s'il n'y arrive pas, il pourra continuer à dire que c'est à cause des républicains, actuellement perçus principalement comme responsables.

Sinon, pour les nouvelles plus comptables, les démocrates ont comme prévu, mais avec un peu de retard, gagné la sénatoriale et perdu celle en Géorgie, tandis que celle au Minnesota n'a aucune fin en vue. Après le recompte, il y a 192 voix d'écart pour le Républicain alors que 4500 bulletins ont été mis de côté pour inspection (le 19/12), des centaines ont été perdus, 250 ont été jugés invalides sans que l'on ne sache pourquoi, ni ce qu'on va en faire... et pour couronner le tout, le FBI vient d'ouvrir une enquête pour corruption sur Norm Coleman, le tenant républicain qui a cette infime avance. Il n'y a ici aucune raison d'espérer un dénouement avant plusieurs semaines, voire mois.

Mais tant qu'on est à parler de corruption, un mot quand même sur Rob Blagojevich, ou "Lego-Man". Vous l'avez sûrement entendu, le gouverneur de l'Illinois, déjà accusé de corruption, a été pris en train de vouloir vendre le siège au Sénat laissé libre par Obama, dont il doit (devait) désigner le successeur. Outre les bases légales en définitives assez minces, l'enquête ruine pour toujours la réputation de Blagojevich, mais pourrait aussi teinter Obama, issu donc du même état, où la corruption est omniprésente (le précédent gouverneur avait aussi été condamné pour corruption, entre autres histoires). 

lego

Mais "l'idiot", comme l'appelle le journaliste David Gergen, est probablement l'homme le plus c..., heuh, gonflé dont j'ai entendu parler. Il a donc voulu monnayer le siège de sénateur contre celui de ministre de la santé, ou de l'argent en faisant raquer Warren Buffet, le "pote" d'Obama (le futur président qu'il appelle gentiment "motherf***er", comme disent les américains), ou de postes hauts placés dans des organisations, rapportant bien, pour lui ou sa femme. Et sinon, il pouvait se nomme lui-même sénateur, ce qui, pensait-il, pouvait l'aider à combattre les charges de corruption, mais aussi refaire son image... en vue d'une possible candidature à la présidentielle de 2016. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est mal barré.

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Mercredi 12 Novembre : La situation à J + 7

Une semaine après l'élection, on ne connait pas encore tous les résultats. Le président est certes Barack Obama, mais on n'est pas encore certains du score final, puisque dans le Missouri, tous les votes ne sont pas encore comptés, mais l'avance de McCain paraît insurmontable, sauf si un recompte est demandé. Pour le reste, on a eu la confirmation que le Nebraska a séparé ses grands électeurs, ce qui devrait inciter l'état, contrôlé par les Républicains, à arrêter cette pratique qu'elle ne partage qu'avec le Maine.

Ce qu'on peut chercher à voir, maintenant, ce sont quelles populations ont voté plus ou moins pour Obama, surtout par rapport à Kerry. D'une manière géographique d'abord. Les points rouges montrent les endroits où le vote républicain a augmenté depuis 2004 :

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Outre l'Arizona, et l'Alaska, états de McCain et Palin, ce qu'on voit ressortir assez nettement, c'est le sud-est des USA et la région des Appalaches : Texas, Oklahoma, Arkansas, Tennessee, Kentucky et Virginie de l'Ouest en particulier. Ce sont les zones que l'on évoquait en premier lorsqu'on disait qu'Obama aurait du mal à convaincre les électeurs en raison de sa couleur de peau...

Par catégorie socio-professionnelle ensuite (en sachant que contrairement au cas précédent, ceci a été fait avec les sondages sortie des urnes, dont l'exactitude n'est pas celle du décompte des voix).

exit_2008

Puisqu'Obama a eu environ 8 % de plus que Kerry, il a perdu, relativement, dans tous les groupes où il est en-dessous de 8. On remarque des catégories très démocrates, comme les syndicalistes (Union), ou les Démocrates dans leur ensemble et surtout les Gays, qui sont, étrangement, le groupe où Obama a le plus perdu par rapport a 2004. Les habitants des petites villes, ceux s'étant décidé dans les derniers jours, les + de 65 ans complètent le tableau. A l'autre bout, il a particulièrement gagné chez les plus aisés et les plus pauvres, les gens ayant voté pour la première fois, les latinos, les jeunes ou les habitants des grandes villes. De manière générale, cette conclusion : si la participation totale a été moins importante que prévue, les jeunes et les noirs se sont mobilisés fortement, alors que certains blocs traditionnellement républicains sont plus facilement restés chez eux.

Au Sénat, trois sièges ne connaissent par leur prochain occupant, ce qui représente près de 10 % des 35 élections sénatoriales de mardi dernier. Ce sont les courses de l'Alaska, du Minnesota et de la Géorgie. Leurs résultats pourraient réellement influencer le reste de la politique de Washington. De manière assez intéressante, elles en sont à trois étapes différentes.

• En Alaska, les votes ne sont pas encore tous comptés. Entre Mark Begich et le sortant Ted Stevens, récemment condamné pour corruption, les résultats ont surpris tous les observateurs, qui envisageaient une victoire tranquille de Begich. Certains se demandent s'il n'y a pas eu quelques entourloupes, puisque dans cette élection particulièrement importante, avec des candidats très populaires, dont une représentante de l'état, il y a eu moins de votes comptés qu'en 2004. Une explication pourrait être que l'élection présidentielle ayant été décidée relativement tôt en Alaska, beaucoup ne sont pas allés voter du tout. Pour l'instant, Stevens mène de 3,000 votes, avec près de 100,000 votes à compter : 61,000 par courrier, 20,000 à vérifier et 9,500 anticipés. Les votes anticipés paraissent favorables à Begich, donc Nate estime qu'il a des bonnes chances de repasser devant Stevens. Dans tous les cas, ce devrait être très serré. La moitié des votes manquants seront comptés aujourd'hui, à suivre sur l'Anchorage Daily News.

• Dans le Minnesota, on va commencer le recompte. De très nombreux bulletins n'ont pas eu assez de marques, ou en ont eu trop, pour être comptés. Il convient de séparer les vrais bulletins blancs des cas où l'intention de l'électeur est claire mais n'a pas été enregistrée par la machine pour différentes raisons. Aujourd'hui, avant le début du recompte manuel, on a 206 voix d'écart en faveur du Républicain sortant, Norm Coleman, sur près de 3 millions de bulletins. Al Franken, le Démocrate, a des chances raisonnables de les rattraper. Le recompte va démarrer la semaine prochaine, et les résultats peuvent être suivis sur le site du Star Tribune.

• En Géorgie, un deuxième tour aura lieu le 2 Décembre. Saxby Chambliss est favori : sortant, républicain dans un état où c'est un avantage, a devancé son opposant principal, le Démocrate Jim Martin de 3 points (49,8 - 46,8), mais en manquant de très peu la majorité absolue qui lui aurait permis d'éviter le deuxième tour. Les cadors Républicains comme McCain ou Huckabee font campagne pour Chambliss, tandis que l'équipe d'Obama et son staff restent à la disposition de Martin. Il est assez difficile de se projeter dans l'élection de décembre, qui se jouera probablement à la participation : quel camp arrivera à faire venir ses électeurs en nombre ? Les anti-Obama et les pro-Obama, les pro-Palin et les anti-Palin, se déplaceront-ils maintenant que leurs motivations principales ne sont plus sur le bulletin ? Les Démocrates, enthousiastes, seront-ils plus motivés de voter que les Républicains qui viennent de se prendre une raclée ? Je pense que Chambliss va gagner, mais je ne serais pas surpris que ça se resserre. Je serais par contre assez content que Chambliss perde, lui qui avait accusé son adversaire de 2002, ancien combattant ayant perdu plusieurs membres au combat, de manquer de patriotisme... Le journal local, pourquoi pas l'AJC ?

• Un autre siège qui pourrait basculer pour d'autres raisons, c'est celui de Joe Lieberman, élu du Connecticut. Cet ancien candidat démocrate à la vice-présidence (en 2000), ayant une position très proche des républicains sur l'Irak, avait perdu la primaire démocrate sénatoriale en 2006, s'est présenté en tant qu'indépendant et a gagné, puis s'est comporté comme un démocrate, sauf sur la politique étrangère. En 2008, ce grand ami de McCain a fait campagne pour lui et contre Obama. Certains démocrates voulaient le virer de leurs rangs, les républicains étaient prêts à l'embaucher, mais Obama préférerait calmer le jeu et le garder. Reste à voir s'il pourra garder tous ses avantages, pour lesquels il se bat... sans aucun moyen de pression.

C'est tout pour aujourd'hui, et pour les jours qui arrivent aussi. Entre quelques déplacements professionnels et deux semaines de vacances que j'estime avoir méritées, je ne serai probablement pas en mesure d'écrire quoi que ce soit avant la première semaine de décembre, donc dans trois semaines. Après ça, il faudra faire un peu le point de ces quelques élections toujours en suspens, puis j'aimerais pouvoir faire un peu de ménage, et une sorte de conclusion en page d'accueil qui redirige intelligemment ceuxarrivant vers ce que j'ai écrit précédemment...

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Vendredi 7 Novembre : Obamaha

Apparemment, Omaha pourrait bien aller chez Obama, ce qui va sérieusement compliquer les dessins des prochaines cartes électorales... Avec le Missouri pour McCain et la Caroline du Nord pour Obama, on arriverait finalement à 365 - 173. Pour le Congrès, on attend encore 3 résultats au Sénat et une vingtaine à la Chambre des Représentants.

Si vous voulez voir un paquet de journaux parus hier, voici un site que vous apprécierez autant que moi. Si quelqu'un sait comment en faire un poster de bonne qualité, je suis preneur. Voici un exemple, que vous pouvez agrandir en ayant une bonne qualité.

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Je vais essayer de revenir sur les résultats des élections ce week-end, et évoquer un peu la suite. De toute évidence, je vais calmer un peu le rythme de mes posts, qui ont pris une bonne partie de mon temps ces derniers mois. Je vais essayer de suivre la transition, en revenant un peu en parallèle sur ce que nous a appris et va continuer à nous apprendre l'élection : résultats des élections au Congrès, performances des sondeurs, comportement des électeurs, mais aussi l'explosion du GOP...

Combien de temps ? Un mois, un an, jusqu'en 2012 ? Aucune idée... Par contre, je vais devoir progresser un peu en création de sites web !

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Jeudi 6 Novembre : la transition commence

J'avais évoqué, il y a quelques temps, le personnage de Matt Santos de la série TV The West Wing (A la Maison Blanche). Cette série évoque le fonctionnement d'une administration démocrate, et se termine par l'élection d'un candidat jeune, issu d'une minorité (hispanique), portant un message d'espoir. Ce candidat, basé en partie sur Barack Obama (les créateurs de la série avaient interviewé David Axelrod, le conseiller principal d'Obama), est apparu en novembre 2004 dans la série. Il a donc été créé dans la foulée du discours d'Obama à la Convention Nationale Démocrate.  En 2006, la série se termine par l'élection de Matt Santos à la Maison Blanche, qui nomme Josh Lyman, un "ancien" de la série (présent depuis 1999), son "Chief of Staff", l'équivalent approximatif du Secrétaire Général de l'Elysée français. Josh Lyman, lui, était basé sur l'actuel Représentant de l'Illinois Rahm Emanuel, ancien de l'administration Clinton.

Aujourd'hui, dans un bouclage de boucle digne, heuh... d'une série télé, Obama aurait proposé à Emanuel de devenir son Chief of Staff. Comme dit Yglesias, "Life imitating Art imating Life". Le monde est tout petit...

Emanuel

Si cela se confirme, ce qui n'est pas certain, Emanuel retournerait à la Maison Blanche, alors qu'il se voyait plutôt un futur "Speaker of the House", chef de la Chambre des Représentants, rôle que tient en ce moment la californienne Nancy Pelosi. Le plus surprenant, c'est qu'une telle nomination enverrait un clair message qu'Obama n'est pas là pour rigoler ou faire des discours creux. Emanuel est considéré comme un politicien très dur, efficace mais n'hésitant pas à tordre des bras, presser, menacer, bref faire un forcing infernal pour réussir ses missions. C'est politiquement un démocrate modéré, donc proche des positions d'Obama, et qui pourra servir d'après un proche du prochain président à jouer le "méchant flic" quand Obama sera le "bon flic".

Sinon, pour revenir sur les résultats de cette élection, quand même, les derniers résultats pourront prendre un peu de temps. Si c'est trop serré, il faut attendre que tous les bulletins "prévisionnels", ceux mis de côté par les avocats pour vérification, soient comptés. La Caroline du Nord serait donc pour Obama, mais les résultats officiels sont prévus pour le mois prochain. Le Missouri pense avoir perdu son statut d'état symbole, ayant toujours le même vainqueur que le pays. Enfin, le grand électeur du second district du Nebraska, correspondant à l'agglomération d'Omaha, pourrait également aller chez Obama. Il est devancé de 539 voix alors qu'il reste environ 9,000 de bulletins à compter dans le comté de Douglas, comprenant la ville d'Omaha. Il pourrait falloir plusieurs jours pour savoir qui a gagné. Si le district va à Obama, ce sera la première fois qu'un état ne donne pas tous ses grands électeurs à un candidat unique (hors "faithless electors", dont on reparlera peut-être). Pour certains analystes politiques, ça rendrait l'élection plus historique que la couleur de peau d'Obama.

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J'attends donc confirmation, mais je pense qu'une nouvelle fois, et d'autant plus si le Nebraska sépare ses électeurs, personne n'aura prédit la carte exacte. J'en ai vu se vanter d'avoir trouvé le score exact (ou pas, dépendant d'Omaha), mais c'est essentiellement parce qu'ils ont échangé Missouri et Indiana qui ont le même poids (11 EV). Le plus proche que j'ai vu, et ça me fait plaisir parce que je lui ai fait confiance, c'est Nate. Non seulement son modèle ne s'est planté que dans l'Indiana qu'Obama a gagné de moins d'un point, mais il avait en plus donné un score de 52,4 - 46,3 alors qu'il est estimé maintenant à 52,3 - 46,2. Personnellement, à part les risques que j'ai reconnus sur la Géorgie et le Dakota du Nord, où les sondages avaient très surestimé Obama, je n'ai qu'inversé Indiana et Missouri, ce qui fait quand même 4 erreurs. J'ai aussi un peu surestimé l'avance d'Obama, puisqu' j'avais dit 53 - 45, mais c'est pas si mal. Je donne la carte complète et on en rediscute, surtout de ce que ça veut dire pour les Républicains, très prochainement. J'aimerais savoir pour Omaha, la confirmation du Missouri, ainsi que les résultats des élections sénatoriales encore en suspens...

G

Mercredi 5 Novembre : L'histoire en marche

20h15 : Après la sieste

Je sais pas si vous avez entendu, mais apparemment, Barack Obama a été élu président des USA. Fou, non ?

Vous pensez peut-être que c'est fini, que l'élection est terminée ? Tss, tss... Sans même parler du décompte présidentiel qui n'est pas terminé dans le Missouri (apparemment favorable à McCain) et en Caroline du Nord (plus pour Obama), les autres élections ne sont pas toutes jouées, en particulier dans quatre états d'importance pour le Sénat : dans le Minnesota, où lacourse la plus étrange de l'année continue avec un recompte obligatoire après la victoire du candidat républicain de 571 voix ; dans l'Alaska où le corrompu et condamné Sénateur Républicain Ted Stevens s'accroche à son siège, ayant 4000 voix d'avance alors qu'il en reste 50,000 à compter ; dans l'Oregon où le vote par courrier n'est pas intégralement compté ; et en Géorgie où le Républicain Saxby Chambliss n'a pas réussi à avoir plus de 50% des voix, et affrontera le démocrate Jim Martin dans un deuxième tour le 2 décembre.

Pour la présidentielle, j'aimerais parler de l'analyse du vote, mais comme il n'a pas encore été totalement compté, ça ne sera pas évident. Sur le site de l'auteur du livre "red state blue state rich state poor state", un graphe montre les votes pour Obama en fonction de ceux pour Kerry :

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Ce qu'on voit assez clairement, c'est qu'Obama a globalement amélioré les positions de Kerry, sauf dans certains états du sud (Louisiane, Arkansas, Tennessee, Virginie de l'Ouest), pas forcément les plus connus pour leurs leur souci d'égalité raciale. Par contre, certains états sont allés plus loin que les autres vers Obama : Hawaï bien sûr, mais aussi Delaware, Nevada, Nouveau-Mexique, Indiana, Montana, Caroline du Nord, Dakota du Nord, Nebraska, où les efforts sur le terrain d'Obama, et dans certains cas le refus des Républicains de penser que certains états pouvaient être perdus. L'exemple typique est l'Indiana, complètement ignoré par McCain, gagné par Bush de 21% en 2004 et perdu par McCain. La victoire est donc répartie sur tous les USA sauf le sud (ce qui risque d'aider à transformer le GOP en parti régional du Sud-Est des USA), et est due en très grande partie au changement profond du choix des électeurs jeunes : en 2000 et 2004, le parti choisi n'était pas vraiment corrélé avec l'âge, alors qu'en 2008 la tendance est forte.

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Plus de nouvelles plus tard, ou demain.

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