LA COURSE A LA MAISON BLANCHE

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clinton

    Hillary Rodham Clinton

Ex-candidate à l'investiture démocrate

Hillary Clinton a été la grande animatrice des primaires démocrates. Largement favorite, célèbre, riche, ayant cadenassé l'appareil du parti, aux commandes d'une équipe de campagne apparemment sans faille, soutenue par son très populaire mari et son carnet d'adresse de riches donneurs, elle a pourtant dérapé dès le premier virage, lors de la campagne de l'Iowa. Les mois qui ont suivi ont donné lieu à une évolution permanente de son image et de son statut. De favorite à outsider, de "dame de fer" à femme du peuple, de technocrate à populiste, de candidate des minorités à celle des résistants à Obama, d'ennemie absolue des républicains à leur alliée temporaire... en passant par un bon nombre de positions intermédiaires.

Beaucoup a été dit et écrit sur sa campagne, qui devrait devenir une référence sur ce qui doit être évité à l'approche d'une campagne nationale. Non pas que tout ait été fait de travers, mais considérant l'avantage considérable dont elle disposait, il a fallu un nombre important de maladresses et d'erreurs qu'Obama a su exploiter, créant une des plus grandes surprises de la vie politique américaine de ces dernières décennies. Depuis la fin de la primaire, le rôle qu'elle s'apprête à jouer pour le reste de l'élection et les années qui arrivent est le sujet de nombreux débats.

Arracher la défaite des griffes de la victoire

En anglais, on dit "Snatching defeat out of the jaws of victory", (même si jaws veut dire mâchoire), et se dit pour ceux qui ont tout pour gagner mais se débrouillent pour perdre au dernier moment, souvent de manière créative et stupide. Bush, lui, dit "snatching defeat out of the jaws of those who were trying to defeat us", ou "arracher la défaite des griffes de ceux qui cherchaient à nous battre", ce qui ne veut évidemment absolument rien dire.

Cette expression s'applique plutôt bien à Clinton : après sa défaite, elle ne peut pas s'en prendre à grand-monde d'autre qu'à elle-même et à ses collaborateurs, qu'elle a choisie elle-même. Les journalistes américains, quand ils revenaient sur sa campagne perdue, écrivaient ce qu'ils appelaient une "Post-Mortem". On peut trouver ce genre d'oraison funèbre, ici, ici, ici, ici, ici ou ici, entre autres. Différentes erreurs sont listées, tous ne sont pas d'accord sur leur importance relative, je vais donner ma liste. Tout tourne autour de deux points principaux : les divers changements entre 1996 et 2008 qu'elle n'a pas anticipés, et l'excès de confiance, 

En 1996, les Clinton sont à la Maison Blanche, sous l'attaque continue et violente des Républicains pour, entre autres, l'affaire Lewinsky. Ils dirigent le parti Démocrate, sont soutenus par les activistes de gauche, Bill allait être décrit comme le premier président noir deux ans plus tard. Il connaît tous les riches donneurs du parti, magnats de Hollywood ou d'Internet. Le pays est divisé.

En 2008, les américains sont fatigués des erreurs et des mensonges de Bush, de la guerre, et de la division politique exacerbée. Internet est devenu un media d'importance, en particulier pour la presse. Les lois de finance ont été modifiées : aucun américain ne peut donner plus de 2300 $ à une campagne primaire. Tous ces changements sont ignorés par Clinton et son équipe.

Elle est sure qu'elle va gagner la primaire, ses adversaires ne paraissant pas dangereux. Les plus en vue : Barack Obama, un noir talentueux mais inconnu, et John Edwards, qui a déjà perdu 4 ans plutôt. Les primaires devraient être finies début février, Clinton se positionne très tôt pour l'élection générale. Premier élément à charge : elle soutient très tôt la guerre en Irak, en reconnaissant ne pas avoir lu tous les documents donnés par la Maison Blanche. Elle cherche déjà à ne pas être décrite comme une pacifiste molle qui mettra en danger les USA. Elle n'a pas été la seule démocrate, mais contrairement à beaucoup d'autres, comme John Edwards, elle refuse de s'excuser ou de reconnaître une erreur, toujours en prévision de l'élection contre un républicain. Elle laisse donc un boulevard sur sa gauche à un candidat qui serait soutenu par les activistes anti-guerre, dans ce cas Obama.

Son équipe est constituée de proches, parfois plus loyaux que compétents. Quand ils préparent la campagne, ils n'envisagent pas un combat serré ou long, contrairement à Obama, qui sait qu'une victoire ne pourra être qu'âprement disputée. Elle fait même campagne sur "l'inévitabilité" (vous êtes bien gentils de participer, mais c'est moi qui vais gagner), la compétence et l'expérience. Quand elle se rend compte que le message qui résonne vraiment est celui du changement adopté par Obama, elle essaie de redresser la barque, et proclame bizarrement avoir "35 ans d'expérience dans le changement". Son expérience sera étudiée en détails, et lorsqu'on s'apercevra que certains éléments, comme son histoire d'atterrissage en Bosnie sous les balles des snipers et sa contribution aux pourparlers de paix en Irlande du Nord, étaient très exagérés, on se rappellera plus facilement des rapports délicats des Clinton avec la réalité plutôt que leur incontestable expérience, compétence et intelligence.

Les Clinton sont également surpris que l'électorat noir se retourne progressivement contre eux, au fur et à mesure que la victoire d'Obama devient envisageable et surtout après certains propos de Bill Clinton en Caroline du Nord paraissant dénigrer les réussites d'Obama et les attribuant uniquement à sa couleur. La campagne n'aura jamais su utiliser Bill Clinton efficacement, ni vraiment s'opposer à lui.

Hillary Clinton monte une campagne "top-down", très hiérarchisée, où les décisions se prennent en haut. Bien que très efficace, on verra vite qu'elle l'est beaucoup moins que celle d'Obama, "bottom-up", basée sur les individus, les volontaires, leur enthousiasme, et leur laissant beaucoup de liberté. Elle néglige la nouvelle économie d'internet, et regarde de loin Obama récolter des sommes phénoménales grâce à son site web communautaire.

Son excès de confiance ayant entraîné un manque de compréhension des règles précises des élections, étant dépassée sur le point du recrutement des volontaires, et n'ayant pas anticipé une primaire après le 5 février, le "Super Tuesday" où la moitié des états votent, elle est d'abord dépassée par Obama sur le premier caucus de l'Iowa, avant de ne faire que match nul lors du Super Tuesday. Le mois suivant est un désastre : elle enchaîne 11 défaites consécutives en février, avant de se ressaisir sur la fin en Ohio, Texas, Pennsylvanie et Indiana, avec une campagne plus agressive, plus populiste, s'adaptant mieux aux électeurs ouvriers, parfois racistes, des états du Midwest et du sud dans lesquels se passent les derniers votes. Mais ces efforts sont insuffisants pour rattraper le retard engrangé. 

Au total, on peut considérer que sa défaite est due au retard accumulé lors de ce mois de février où rien n'était planifié, ou alors qu'il représente ce qu'elle a perdu lors des caucus qu'elle n'a pas vraiment disputés, parce que personne ne pensait vraiment que ça avait un intérêt. Si un seul de ces deux éléments avait été corrigé, elle serait probablement en train de préparer la redécoration du Bureau Ovale. Mais remédier à ces éléments aurait signifié avoir un regard complètement différent sur sa propre campagne, reconnaître les risques, les difficultés, et en fin de compte admettre à elle-même qu'Obama est un adversaire redoutable pouvant tout à fait devenir président des USA, et que sa victoire était loin d'être garantie. Le temps que cette idée s'impose, c'était déjà beaucoup trop tard pour changer quoi que ce soit.

Hillary 2008, 2012, 2016 ?

Qu'est-ce qui est au programme maintenant pour l'ex-First Lady ? Que veut-elle vraiment ? Parmi ce qui a été évoqué : Présidente, en 2008, 2012 ou 2016, Vice-Présidente en 2008, Sénateur "à vie" de New York, Maire de New York, Gouverneur de New York, Juge à la Cour Suprême... Les choix sont nombreux. Malgré sa défaite, elle a gagné une énorme exposition, une grande popularité dans une partie de la population, et donc un poids politique qu'elle va maintenant chercher à exploiter.

• Certains la voient encore possible présidente en 2008, essentiellement dans l'hypothèse d'un scandale obligeant Obama à retirer sa candidature. Mais il faut quelque chose du niveau d'une vidéo le montrant frappant une vieille femme blanche en l'insultant de termes racistes. Clinton serait dans ce cas la remplaçante naturelle. Même si certains de ses supporters rêvent d'un tel événement, ou d'une guerre ouverte à la convention nationale démocrate, il n'y a aucune chance que ça se produise.

• Elle peut plus vraisemblablement commencer à regarder vers 2012, dans le cadre d'une défaire d'Obama. Certains supporters ont déjà réservé le site www.hrc2012.com, par exemple. Mais il faut pour cela deux éléments : qu'elle profite des 4 ans qui arrivent pour corriger ses erreurs de 2008, et surtout qu'elle ne soit pas accusée d'être responsable de la défaite d'Obama. Elle doit donc soutenir son ancien rival, sans quoi ce serait difficile de se représenter aussi tôt. Il est à souligner que la réluctance de certains supporters, donneurs, tous ceux prévoyant de voter pour McCain ou de ne pas chercher à aider Obama, vont probablement être de moins en moins nombreux. S'ils sont régulièrement couverts par les media, toujours à la recherche d'un nouvel "angle", comme le montre l'exemple du mouvement PUMA (Party Unity My Ass), il serait surprenant que cela se traduise vraiment dans les urnes en novembre. Il faut comprendre que beaucoup de ces "errances politiques" sont plus souvent dues à des salariés qui viennent de perdre leur chance de devenir employé de la Maison Blanche que de l'ex-candidate elle-même.

• Si Obama gagne en 2008, il devrait normalement se représenter en 2012, repoussant une seconde candidature d'Hillary Clinton à 2016. Elle aura alors 69 ans. Rien ne l'empêche, mais d'ici là de l'eau aura coulé sous les ponts, de nouvelles têtes d'affiche seront apparues, elle aura eu une activité politique entre temps, qui pourront rendre une candidature infaisable ou inutile.

• Après une campagne aussi intense que les primaires de cette année, on ne peut pas penser qu'Obama ait envie de s'embarrasser des Clinton à la Maison Blanche. Il n'est même pas sûre que l'intéressée principale le veuille vraiment. Si cela remotivera ses électeurs, cela fera par contre peur aux indépendant, aux modérés, tout en ruinant le message de changement d'Obama. Ceci n'a la moindre chance d'arriver que si Obama constate au mois d'août que le parti est scindé et n'est en voie de se réunir. Puisque ce n'est pas le cas pour l'instant, je peux dire que si elle est choisie par Obama, je mange ma casquette.

• Sénateur, maire ou gouverneur de New York : Hillary Clinton est déjà sénateur de l'Etat, très démocrate. Si elle peut représenter son parti à la moindre élection, elle a de fortes chances de la gagner. Son siège au Sénat, si elle veut le garder, lui est donc presque acquis à vie. Elle pourrait devenir un sénateur influent, dans le moule de Ted Kennedy. Mais on ne sait pas si elle le voudra, ou si elle ne voyait le Sénat que comme un marchepied vers la Maison Blanche. Dans ce cas, elle pourrait chercher des positions de pouvoir comme la mairie ou le poste de gouverneur. Le second mandat du maire Mike Bloomberg, très populaire, se termine l'an prochain et il ne peut pas se représenter, rendant cette hypothèse possible. Par contre, le poste de gouverneur est occupé par le démocrate David Paterson, qui a succédé à Eliot Spitzer après un scandale de prostitution. Paterson, lui aussi gêné par des scandales divers, a un mandat en cours jusqu'en 2012. Clinton pourrait essayer de le récupérer, peut-être en vue de préparer l'élection présidentielle de 2012.

• Hillary Clinton a étudié le droit et a longtemps exercé le métier d'avocate. Avec son expérience de la politique, de la Maison Blanche, du Sénat, elle pourrait très bien être le prochain Juge de la Cour Suprême, même si elle n'a jamais exercé le métier de Juge. Si les Juges sont très majoritairement issus des rangs des juges de "niveau inférieur", ce n'est qu'assez récemment que toute la Cour Suprême ne comprend que de telles personnes. On s'attend à ce que le prochain président, surtout s'il remplit deux mandats, aura à nommer au moins deux Juges. Les Juges ont une influence essentielle  sur certains problèmes de société, comme le droit de porter une arme, le droit à l'avortement, etc. Un tel poste pourrait donc être le "lot de consolation" du président Obama à Clinton pour qu'elle l'aide activement. Si une telle intention était publicisée elle aurait l'avantage de mobiliser toute la gauche... et l'inconvénient de mobiliser toute la droite, voire de faire fuir les indépendants.

Si le sort de Clinton est amplement commenté, un seul élément manque : personne ne sait réellement ce que veut Clinton, et il est incertain, après la déception que la défaite a dû causer, qu'elle le sache vraiment elle-même.